© Nanabozho (Gichi Wabush)

Contact | Index » Tipitaka » Sutta Pitaka » Anguttara Nikaya

 Anguttara Nikaya VIII.54

Vyagghapajja Sutta
(Dighajanu Sutta)

Conditions pour le bien-être

D'après la traduction du Pâli à l'Anglais par Narada Thera.
Pour libre distribution. Cet ouvrage peut être republié, reformaté, réimprimé et redistribué par n'importe quel média. L'auteur désire cependant que toute ces republications et redistributions soient mises à disposition du public librement et sans restriction aucune, et que les traductions et autres travaux dérivés soient clairement identifiés comme tels.


Extrait de Everyman's Ethics: Four Discourses by the Buddha (WH 14), traduit par Narada Thera, (Kandy: Buddhist Publication Society, 1985). Copyright ©1985 Buddhist Publication Society. Utilisé par permission.
Note du traducteur (Narada Thera): Dans ce sutta, le Bouddha instruit les riches chefs de famille sur la manière de préserver et accroître sa prospérité et comment éviter la perte de richesses. La richesse, par elle-même, ne rend pas l'homme complet ni ne produit d'harmonie dans la société. La possession de richesse, multiplie beaucoup trop souvent les désirs de l'homme, et et il court à la poursuite de toujours plus de richesses et de pouvoir. Cette envie insatiable, cependant, laisse l'homme insatisfait et gêne sa croissance intérieure, et elle crée des conflits et des déséquilibres dans la société à cause du ressentiment des moins privilégiés qui se sentent exploités par les effets de l'envie insatiable de l'homme opulent.

C'est pourquoi le Bouddha poursuit ses conseils sur le bien-être matériel par quatre conditions essentielles pour le bien-être spirituel : confiance (dans l'Eveil du Bouddha), vertu, générosité et sagesse. Ces quatre facteurs font pénétrer en l'homme l'idée de valeurs plus élevées. Ainsi, non seulement veillera-t-il à ses intérêts matériels, mais il prendra aussi conscience de ses devoirs envers la société. Pour ne mentionner qu'une seule des implications: une charité sage et généreusement employée réduira les tensions et les conflits au sein de la société. L'observance de ces conditions du bien-être matériel et spirituel induira donc un citoyen idéal dans une société idéale.



Ainsi ai-je entendu. Un jour, l'Illustre demeurait parmi les Koliyans,[1] dans leur bourg de marché nommé Kakkarapatta. Alors Dighajanu,[2] un Koliyan, s'approcha de l'Illustre, Le salua avec respect et s'assit d'un côté. Ainsi assis, il s'adressa à l'Illustre comme suit:

"Nous, Seigneur, sommes des laïcs qui apprécions les plaisirs mondains. Nous menons une vie encombrée par nos épouses et nos enfants. Nous faisons usage de bois de santal de Kasi. Nous nous couvrons de guirlandes, de parfum et d'onguents. Nous faisons usage d'or et d'argent. Pour les gens comme nous, O Seigneur, que l'Illustre prêche le Dhamma, qu'il enseigne ces choses qui mènent au bien et au bonheur en cette vie et au bien et au bonheur dans la vie future."


(Conditions du progrès mondain)

"Quatre conditions, Vyagghapajja,[3] amènent le bien et le bonheur d'un maître de maison dans cette vie même. Quels quatre?

"L'accomplissement de l'effort persistant (utthana-sampada), l'accomplissement de la vigilance (arakkha-sampada), l'amitié de bien (kalyanamittata) et le mode de vie équilibré (sama-jivikata).

"Qu'est-ce que l'accomplissement de l'effort persistant?

"Sur ce point, Vyagghapajja, quel que soit le moyen par lequel un maître de maison gagne sa vie, que ce soit en cultivant la terre, en commerçant, en élevant du bétail, en étant archer, en étant au service du roi, ou par tout autre métier -- en l'exerçant il devient habile et n'est pas paresseux. Il est doté du pouvoir de discernement en regard des bonnes manières et bons moyens; il est capable d'effectuer et d'allouer (des tâches). C'est ce qu'on appelle l'accomplissement de l'effort persistant.

"Qu'est-ce que l'accomplissement de la vigilance?

"Sur ce point, Vyagghapajja, quelle que soient les richesses que possède un maître de maison, obtenues à force d'efforts, amassées par la force de ses bras, à la sueur de son front, acquis en toute justice par des moyens corrects -- il les gère bien en montant la garde et en veillant à ce que les rois ne s'en emparent pas, que les voleurs ne les volent pas, que le feu ne les brûle pas, que l'eau ne les emporte pas ni que des héritiers indélicats ne les enlèvent. C'est là l'accomplissement de la vigilance.

"Qu'est-ce que l'amitié de bien?

"Sur ce point, Vyagghapajja, quel que soit le village ou le bourg de marché où habite un maître de maison, il s'associe, converse, s'engage dans des discussions avec les maîtres de maison ou leurs fils, qu'ils soient jeunes et très cultivés ou vieux et très cultivés, plein de foi (saddha),[4] plein de vertu (sîla), plein de charité (caga), plein de sagesse (pañña). Il agit en accord avec la foi les fidèles, avec la vertu des vertueux, avec la charité des charitables, avec la sagesse des sages. C'est ce qu'on appelle l'amitié de bien.

"Qu'est-ce que le mode de vie équilibré?

"Sur ce point, Vyagghapajja, un maître de maison qui connaît ses revenus et ses dépenses mène une vie équilibrée, ni extravagante ni avare, sachant qu'ainsi ses revenus se monteront en excès de ses dépenses, mais pas ses dépenses en excès de ses revenus.

"Tout comme l'orfèvre,[5] ou son apprenti, sait, à tenir une balance, que de tant elle est descendue, d'autant elle est remontée; même là un maître de maison, connaissant ses revenus et ses dépenses mène une vie équilibrée, ni extravagante ni avare, sachant qu'ainsi ses revenus se monteront en excès de ses dépenses, mais pas ses dépenses en excès de ses revenus.

"Si, Vyagghapajja, un maître de maison aux petits revenus devait mener une vie extravagante, il y aurait ceux qui disent -- 'Cette personne profite de son bien comme quelqu'un qui mange des pommes des bois.'[6] Si, Vyagghapajja, un maître de maison avec de gros revenus devait mener une vie de débauche, il y aurait ceux qui disent -- 'Cette personne mourra comme un mort de faim.'

"Les richesses ainsi amassées, Vyagghapajja, ont quatre sources de destruction:

"(i) La débauche, (ii) l'ivrognerie, (iii) le jeu, (iv) l'amitié, le compagnonnage et l'intimité avec des malfaisants.

"Tout comme dans le cas d'un grand réservoir aux quatre arrivées et sorties, si un homme devait fermer les arrivées et ouvrir les sorties et qu'il devait ne pas y avoir de pluies adéquates, on devrait s'attendre à une diminution de l'eau dans ce réservoir, et pas à une augmentation; même là il y a quatre sources de destruction des richesses amassées -- la débauche, l'ivrognerie, le jeu, et l'amitié, le compagnonnage et l'intimité avec des malfaisants.

"Il y a quatre sources de l'augmentation des richesses amassées: (i) l'abstinence de la débauche, (ii) l'abstinence de l'ivrognerie, (iii) ne pas s'adonner au jeu, (iv) l'amitié, le compagnonnage et l'intimité avec les gens de bien.

"Tout comme dans le cas d'un grand réservoir aux quatre arrivées et quatre sorties, si une personne devait ouvrir les arrivées et fermer les sorties, et qu'il devait aussi y avoir des pluies adéquates, on devrait certainement s'attendre à une augmentation de l'eau dans ce réservoir et pas à une diminution. Même là, ces quatre conditions sont des sources d'augmentation des richesses amassées.

"Ces quatre conditions, Vyagghapajja, entraînent le bien du maître de maison et le bonheur en cette vie même.


(Conditions du progrès spirituel)

"Quatre conditions, Vyagghapajja, entraînent le bien et le bonheur d'un maître de maison dans sa vie future. Quels quatre?

"L'accomplissement de la foi (saddha-sampada), l'accomplissement de la vertu (sîla-sampada), l'accomplissement de la charité (caga-sampada) et l'accomplissement de la sagesse (pañña-sampada).

"Qu'est-ce que l'accomplissement de la foi?

"Sur ce point un maître de maison a la foi, il croit en l'Eveil de l'Ainsi-venu (Tathâgata): Ainsi, certes, est ce Béni du Ciel: il est le pur, le pleinement éveillé, doté de la connaissance et du comportement, bien-allé, le connaisseur des mondes, l'incomparable guide des hommes qu'on peut dompter, l'enseignant des dieux et des hommes, omniscient et béni. C'est ce qu'on appelle l'accomplissement de la foi.

"Qu'est-ce que l'accomplissement de la vertu?

"Sur ce point un maître de maison s'abstient de tuer, de voler, de l'inconduite sexuelle, de mentir, et d'intoxicants, cause d'infatuation et de négligence. C'est ce qu'on appelle l'accomplissement de la vertu.

"Qu'est-ce que l'accomplissement de la charité?

"Sur ce point un maître de maison demeure chez lui d'un coeur exempt de la souillure de l'avarice, voué à la charité, les mains ouvertes, se plaisant à être généreux, s'occupant des nécessiteux, se plaisant à distribuer des aumônes. C'est ce qu'on appelle l'accomplissement de la charité.

"Qu'est-ce que l'accomplissement de la sagesse?

"Sur ce point un maître de maison est sage: il est doté de la sagesse qui comprend la naissance et la cessation (des cinq agrégats de l'existence); il a la noble intuition pénétrante qui mène à la destruction de la souffrance. C'est ce qu'on appelle l'accomplissement de la sagesse.

"Ces quatre conditions, Vyagghapajja, amènent le bien et le bonheur d'un maître de maison dans sa vie future."

Energique et vigilant dans ses tâches,
Administrant sagement ses biens,
Il vit une vie équilibrée,
Protégeant ce qu'il a amassé.

Doté de la foi et de la vertu aussi,
Généreux il est et exempt d'avarice;
Toujours il travaille à dégager la piste
Qui mène au bien dans la vie future.

Ainsi est le laïc plein de foi,
Par lui, ainsi à raison nommé 'Eveillé,'
Ces huit conditions ont été dites
Qui maintenant et après conduisent au bonheur.


Notes

1. Les Koliyans étaient les rivaux des Sakyans. La reine Mahâ Maya appartenait au clan Koliya et le roi Suddhodana au clan Sakya. [Retour]

2. Littéralement 'aux longs genoux' [Retour]

3. 'La piste du tigre'; ainsi nommée car ses ancêtres étaient nés sur une piste forestière infestée de tigres. Vyagghapajja était le nom de famille de Dighajanu [Retour]

4. Saddha n'est pas la foi aveugle. Il s'agit d'une confiance fondée sur la connaissance. [Retour]

5. Tuladharo, litt., 'porteur de balances.' [Retour]

6. Udambarakhadaka. Le Commentaire explique que quelqu'un qui souhaite manger des pommes des bois secoue l'arbre, avec pour résultat que de nombreux fruits tombent mais que seuls quelques uns sont mangés, cependant que la majorité sont perdus. [Retour]



Version anglaise d'origine:
 http://www.accesstoinsight.org/canon/anguttara/an08-054.html